J’ai commencé ma vie professionnelle au service d’une start up, éclot dans les années 2000, dénommée comme beaucoup de ses congénères de la bulle avec un drôle de patronyme : Xooloo.

Xooloo commercialisait un système de protection d

e l’accès des enfants au net, sous forme de « white list » (tous les sites accessibles sont ceux référencés dans la base de donnée), que les enfants pouvaient étendre en fonction de leurs requêtes. De liens en liens, les administrateurs de Xooloo validait la progression de l’enfant online et autorisait de nouvelles pages, qui profitaient également aux autres abonnés du portail.

Parmi les autres prestataires sur le marché, on distinguait les fournisseurs de « black list » (liste d’exclusion des sites « corrompus »), mais aussi toute sorte de charlatans proposant des logiciels de reconnaissance d’image ou de texte dangereux, de sécurité parentale, etc.

Bien évidemment, hormis la « white list », efficace dans son principe mais frustrante dans son utilisation, rien ne fonctionnait vraiment.

A l’époque, moins de trente pour cent des foyers français étaient connectés, la plupart du temps en bas débit. Et pourtant, déjà, nous avions un franc succès médiatique et politique : nombreux articles de presse, passages dans les locaux de l’entreprise des conseillers internet respectifs de Jospin et Chirac (une dénommée Valérie Pécresse…).

Pour ma part, la démonstration était simple : en deux clics, on pouvait tomber sur d’innombrables horreurs. En trois clics, l’ensemble des poubelles du réseau étaient accessibles à nos chères têtes blondes. Nous nous faisions un malin plaisir, pour ces démonstrations, de choisir les sites les plus épouvantables (je vous passe les détails). A quelques reprises, mes interlocuteurs m’ont révélé se sentir indisposé par les images / vidéo que nous étions capables d’afficher en quelques gestes.

Et pourtant, aujourd’hui, alors que le web est partout, y compris dans les cartables grâce aux mobiles, qu’une génération entière de « digital native » est née connectée, la question de la sécurité des enfants sur internet semble passée en arrière plan. Elle ronronne tranquillement dans les coulisses du débat politique.

C’est peut être, tout simplement, que nous n’avons pas de solution ?

Xooloo vend aujourd’hui ses solutions d’accès en partenariat avec les FAI aux écoles et groupes scolaires, ainsi qu’à certaines entreprises. Je crois que depuis peu ils commercialisent leur offre auprès des particuliers. Toujours ur le principe de la « white list », avec des technologies permettant un usage fluide et simplifié du net, les surprises sont peu nombreuses. Ils ont eu le mérite et la consistance de poursuivre le développement d’une offre indispensable et sont parmi les seuls acteurs sérieux en la matière.

Rien, cependant, n’a encore été pensé pour protéger avec efficacité les enfants des contenus les plus aggressifs, quand ils sont seuls face au PC familial (qu’ils déverouilleront sans mal des protections logicielles ou « parentales » que nous vantent pourtant le ministère avec force publicité). Rien ne permet de croire qu’ils ne se passent pas le mot, à la récré, des sites les plus glauques : c’est un jeu d’enfant…

C’est peut être un des principaux problèmes de société qui se présente aujourd’hui, sans dire son nom : que deviendra une génération exposé à l’ultra violence et l’ultra pornographie avant d’avoir appris à lire ? Que penser d’un enfant de dix ans, exposé à une propagande politique ou religieuse radicale, alors qu’il n’a aucune notion d’Histoire ? Si notre civilisation a un point faible, il est clairement ici. Et pourtant, tout cela passe relativement inaperçu. On pourrait ajouter même que le problème a été perçue de façon étroite : les pédophiles sont loin d’être la première des menaces sur le web…

Sur e-reputation.org, le sujet nous intéresse, à la marge certes, car il pose la question du repérage et de la mise à l’index des contenus problématiques, repérés dans les temps (veille / suppression). Ce qui, pour l’heure est techniquement impossible de façon sûre. La seule solution reste d’interdire à ses enfants le web jusqu’à ce qu’ils aient l’âge d’encaisser ce qu’on y trouve. Une solution d’autant plus regrettable qu’internet est peut être le plus génial outil d’apprentissage qui ait jamais été inventé.

Un chapitre qui reste donc à écrire…

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7 Responses to “La sécurité des enfants sur le net : zéro pointé”

  1. Il serait bon de nuancer, le crime par écran interposé m’a toujours laissé sceptique.

    Si on s’inquiète du contenu, mais personne ne se préoccupe réellement de savoir ce que peut lire un enfant avant de lui apprendre à lire ? Existe-t-il des classements en fonction du public dans les bibliothèques ? Personnellement, j’ai en tête plusieurs ouvrages en vente libre qui m’ont « choqués ». La seule différence est-elle que l’imprimerie est plusieurs fois centenaire ?

  2. Penses qu’une vidéo d’un homme qui se jette du haut du toit d’un immeuble pour se retrouver démembré en live, dix étages plus bas, soit présentable à un enfant de 7 ans ? Ou la collection de foetus en pot d’un cannibale japonais ? Ou pire encore ?

    Je fais un distingo entre trouver et comprendre « Justine ou les malheurs de la vertu », voir une vague revue pornographique, et tomber nez à nez avec les contenus du web.

    Et je pense qu’une intelligence en formation ne peut pas tout « encaisser », analyser ou comprendre.

    Plus concrètement, vu l’éducation reçue de nos jours, nos enfants sont les cibles idéales de la propagande sur internet. Politique, religieuse, etc.

    I dont like it. ça ne veut pas dire que je veux qu’on interdise le web pour les mineurs hein !

  3. Cela fait des années que je m’intéresse à cette question. Pour l’instant, je ne recommande qu’une seule chose : la présence d’un adulte lors du surf. Pour les plus grands, on peut définir une distance qui empêche de lire, pour préserver un peu l’intimité de l’enfant mais permet de distinguer les images. C’est dommage mais c’est encore le plus sûr.

    Les interdits ne suffisent pas. Il ne sert à rien de confisquer, par exemple, la clé wifi si on n’explique pas pourquoi on le fait. Plus l’interdit est mystérieux, plus il est attirant.

    Il faut aussi savoir que les enfants découvrent les sites « pour adultes » prioritairement grâce aux favoris et historiques de leurs parents. Ils savent parfaitement y naviguer alors que leurs parents ne savent même pas les effacer.

  4. Edouard Fillias says:

    Merci Delphine pour ce retour réaliste. Effectivement, sur ce sujet, la technique fait plouf.

  5. La deuxième vidéo est absurde. La maman est bien présente mais ne joue aucun rôle (si ce n’est d’ouvrir la porte). Elle est en face d’un risque potentiel mais laisse passer comme si c’était des amis d’école. On la fait passer pour une grosse cruche écervelée et naïve. Non seulement internet c’est mal mais en plus les parents sont des crétins. Il est beau le message.

    Les parents sont démissionnaires non pas parce qu’ils sont étrangers à la technique (dans une moindre mesure) mais surtout parce qu’ils ne prennent pas le temps de s’intéresser à ce que font leur gamin. Tous les parents, quelque soit leur niveau de connaissance, sont à mêmes de donner un conseil de bon sens. Et quand je suis en face de quelque chose de nouveau, je me renseigne autour de moi.

    Pour le principe de la white liste c’est un procédé efficace mais radical. Isolé l’enfant dans une bulle c’est bien jusqu’à un certain âge. Après, il faut petit à petit lui apprendre les dangers et les risques car il finira tôt au tard par tomber dessus.

  6. Le meilleur des filtres, c’est encore l’éducation des enfants. Plutôt que de censurer des sites violents ou pornographiques, il faut plutôt éduquer les enfants afin qu’ils n’aient pas l’idée d’aller sur ce genre de site.

    Avec les enfants, quand on leur dit de ne pas faire quelque chose et mettre des interdictions facilement contournables, ils vont mettre toute l’énergie nécessaire pour le faire.

  7. Il n’y a malheureusement pas de risques zéro et même avant internet c’était le cas. Offrir le tout dernier ordinateur portable à un enfant de 13 ans c’est tenté le diable. Un ordinateur dans un espace ouvert, salon, c’est suffisant. Trop gâter un enfant c’est pas bien.

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  1. bookmark from diigo 11/10/2009 | Relation, transformation, partage - [...] on November 11, 2009Filed Under liens | | La sécurité des enfants sur le net : zéro pointétags:…

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