Un client nous a récemment sollicité à l’agence (Image & Stratégie) pour monter une conférence privée à l’intention de ses cadres sur le thème des « Nouveaux médias du web et des nouveaux outils de communication ». Nous avons donc monté une réunion d’une matinée, avec en guest star Edwy Plenel pour présenter l’excellent projet de Mediapart, et en vedette américaine votre serviteur, pour décliner les nouveaux outils de la E-Reputation. Devant nous, une assemblée de communiquants à l’écoute, prêts à se lancer sur les nouvelles pistes digitales. Compte rendu de l’analyse croisée entre le journaliste web et le communiquant web…

Edwy Plenel, sans surprise, a brossé un portrait intelligent et précis de sa vision du journalisme de demain et des raisons qui l’ont conduit à partir du Monde et à se lancer dans une nouvelle aventure éditoriale avec Mediapart. Il a décrit le fonctionnement de sa rédaction – 30 journalistes – tous passionnés par le net, mûs par une véritable exigence éditoriale : pour Edwy Plenel, les mots clefs du succès sont forcément enquête, vérification, analyse, …, qualité. Avec l’addition du « Club », Mediapart s’ouvre sur une dimension de Média Social. Une tendance de fond, suivie aujourd’hui par les plus grands tels que récemment le New York Times (MyTimes), et venant à la suite de belles réussites (Ohmynews). Le succès naîtrait de l’addition de contenus générés par les utilisateurs et de contenus éditoriaux produits par la rédaction (texte, vidéo, audio…). Avec l’affirmation pour Plenel de la nécessité du « payant » pour accéder aux contenus de la rédaction : l’info a un prix, et tant pis pour ceux qui préfèrent le « desk journalism ». L’info il faut aller la chercher, la recouper, la dénicher – celà implique des moyens, donc des abonnés. J’ai retenu, dans son exposé, deux points :

– la difficulté de dénicher des capitaux pour financer cette « nouvelle presse web » en France, alors qu’à l’étranger tout semble plus facile

– la qualité dirige le web : elle finira par l’emporter, à condition que des industriels prennent enfin des risques. Car pour l’instant, le niveau n’est pas là dans les nouveaux médias, trop souvent considérés comme des poubelles à scandales ou scoop bons marchés.

Sur ce dernier point, je me suis aussi permis de faire remarquer à Edwy Plenel que la publicité pouvait être une solution d’indépendance, à condition qu’elle soit variée. D’après lui, les recettes ne seraient pas suffisantes pour l’imaginer, à ce jour. Il est vrai qu’en France, le « clic » rapporte beaucoup moins qu’aux Etats-Unis par exemple. Mais tout de même, comment imaginer un média libre et bien doté financièrement sans pub ? A mon sens, la pub va progressivement passer des « vieux médias », y compris déclinés sur le web (Le Fig, le Monde), pour

aller sur les « nouveaux médias », plus libres, plus pertinents aussi. Les internautes ont encore l’habitude de consommer les marques « figaro » ou « monde » en numérique comme ils en avaient l’habitude en papier, mais le temps viendra rapidement pour eux de la découverte de ces nouveaux médias, tels que Mediapart. Et de changer de crémerie pour une parole plus libre. En effet, Le Monde comme Le Figaro véhiculent chacun à leur façon une info « mainstream » et politiquement correct : leur suprématie sur l’info actu est comptée, sauf changement de ligne ou de business model (direction que semble prendre Le Figaro avec le rachat de site de e-commerce, ou Le Monde avec LePost.fr)

Pour ma part, j’ai joué le rôle du « communiquant » : après le journaliste, son alter-ego de l’autre côté du miroir, du côté de la parole « institutionnelle », est lui aussi en prise avec le web pour véhiculer la parole des entreprises, des dirigeants, des organisations… Argumenter, défendre, convaincre, sur les mots clefs stratégiques : les enjeux de la E-Reputation… Un boulot pas facile aujourd’hui : les entreprises sont habitués à un mode de communication très top-down, unilatéral, et disons-le, tout sauf participatif. Comment les intégrer dans la tournoyante du débat online, dans l’urgence d’un média qui raisonne et actionne à l’heure près (contrairement à la tv ou la radio, ces média chauds décrits par McLuhan, qui fonctionnent souvent à la demi-journée près – le temps incompressible de production / diffusion des contenus…) ?

L’échange est encore à armes inégales entre des institutions déstabilisées par ces médias et les journalistes online, qui ont su rapidement se l’approprier et l’investir. Il s’agit donc, pour le communiquant, de rattraper ce « gap » en imaginant de nouvelles méthodes, de nouveaux outils. La E-Reputation est au coeur de cette réflexion : faire un site ne suffit pas – le web est désormais un espace ouvert qu’il convient d’investir dans sa complexité plutôt que de l’ignorer – pire – de le refuser…

Sous le regard attentif et vigilant d’Edwy Plenel, j’ai donc expliqué comment poster, argumenter, créer des réseaux de relais d’opinions, imaginer des réactions aux articles – parfois issus de sa propre rédaction -.

Une conclusion nous réunit tous deux à l’issu de ces exposés : sur le web, la qualité n’est pas toujours là. C’est d’autant plus regrettable que, demain, le web sera probablement la colonne vertébrale de l’info. Or la communication, comme l’information, ne sauraient être fondées sur autre chose que des faits, recoupés et vérifiés, des analyses logiques, des témoignages. Bref, tout sauf du sensationnel, du spectacle, de l’émotionnel. Le communiquant, tout comme le journaliste, jouent leur crédibilité et leur efficacité dans cette bataille de la qualité. Un défi à relever pour communiquants et journalistes, ces deux danseurs inséparables du débat démocratique…

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2 Responses to “Suite à une rencontre avec Edwy Plenel : journaliste & communiquant…”

  1. Très intéressant, je propose à mes clients des formations de sensibilisation du même type : j’ai notamment interviewé un journaliste de rue 89 ainsi qu’un autre de Challenges pour leur demander à l’un comment il se diférencie de la presse classique et à l’autre comment il évolue face aux médias digitaux. Les clients sont très intéressés mais on parfois du mal à s’investir réellement dans la communication digitale pensant que cela va leur donner un surcroit de travail : peut-être n’ont-ils pas tord, la réactivité que demande le net est bien supérieure à celle de la presse écrite…Ensuite pour ce qui est de la difficulté technique à nous de leur montrer que l’on est là pour les accompagner !

  2. Bonjour Lovny, merci pour ce message. Manifestement, nous avons les mêmes centres d’intérêt. Peut être pouvons nous poursuivre cette conversation « IRL », n’hésite pas à me recontacter via l’email du blog.

    Edouard