L’ovni Wikileaks
jpg » alt= » » width= »199″ height= »300″ />L’ovni Wikileaks : un nouveau modèle de diffusion de l’information ?
Extrait de l’ouvrage E-Réputation : Stratégies d’influence sur Internet (Présentation du livre E-Réputation)
Créé en 2006, Wikileaks se réclame de la filiation de Daniel Ellsberg , cet ancien employé de la Rand Corporation qui a fourni à la presse américaine en 1971 des documents top secrets sur la guerre du Vietnam, appartenant au Pentagone. Sa mission : publier les fuites d’information (les « leaks ») provenant de régimes d’oppression. Sa philosophie : la transparence des activités gouvernementales mène à moins de corruption, un meilleur gouvernement et des démocraties plus solides.
Un an après son lancement, le site regroupait déjà plus de 1,2 million de documents top secret dénonçant les agissements de régimes oppressifs, faisant de Wikileaks un ovni dans le paysage journalistique, mais également des ONG.
Le site fonctionne sur un mode collaboratif : n’importe qui peut envoyer des « fuites ». La qualité des documents est ensuite évaluée par l’équipe composée de cinq personnes à temps plein mais également d’un
pool de 800 spécialistes intervenant ponctuellement dans leurs domaines d’expertise. La presse traditionnelle apporte également un soutien juridique ou technique à Wikileaks. Mais le site dit également compter sur l’expertise de la communauté pour authentifier les documents : « Wikileaks soumet les documents divulgués à un examen bien plus minutieux que ne pourrait le faire n’importe quel média ou organe de renseignements : l’examen d’une communauté planétaire d’éditeurs, relecteurs et correcteurs wiki bien informés. ».
L’advisory board est composé de 9 personnes, dont son porte-parole australien, le très médiatique Julian Assange, mais également de quatre dissidents chinois et d’un spécialiste international de la cryptographie, Ben Laurie. La cryptographie tient en effet un rôle central dans la mission de Wikileaks : permettre à quiconque d’envoyer des documents de manière totalement anonyme et sécurisée. Wikileaks associe donc « des versions remaniées de FreeNet, de Tor ou de PGP à des logiciels de [leur] conception » et a décidé d’héberger ses serveurs en Suède, pays où la protection des sources de presse est la plus forte, ainsi que dans d’autres pays accommodants.
De nombreux scandales ont été révélés par Wikileaks, avant que la presse ne s’en fasse l’écho. Citons la publication d’un rapport secret britannique sur la corruption du président Daniel Arap Moi au Kenya dénoncé en août 2007, celle du Minton Report sur une contamination par des produits toxiques en Côte d’Ivoire publiée en octobre 2009 ou encore des documents de l’armée américaine sur Guantanamo en 2007. Pour son travail de transparence, Wikileaks a reçu le « Amnesty International Media Award » en 2009 ainsi que le Index on Censorship Award, remis en 2008 par The Economist.
Mais si le travail de Wikileaks est unanimement salué quand il dénonce des dictatures ou des abus de droit dans les pays démocratiques, il est au contraire fortement critiqué quand il menace la vie privée. Certains l’accusent de pousser la transparence dans des proportions orwelliennes. Le site a ainsi publié en 2008 la liste des adhérents du parti britannique le BNP. En 2009, 570 000 SMS et messages échangés aux Etats-Unis le 11 septembre 2001 ainsi que l’intégralité du dossier d’instruction de l’affaire Dutroux sont publiés. Du scandale d’Etat au pur voyeurisme, il est un pas que certains ont accusé Wikileaks de franchir, faisant du dénonceur de scandales d’Etat un simple chercheur de scoop.
En juillet 2010, Assange déclare vouloir « écraser les salauds ». Wikileaks publie les « war logs », 92 000 pages de documents sur les activités de l’armée américaine en Afghanistan. Dans ces pages, les noms non expurgés d’informateurs,
susceptibles d’être utilisés par les Talibans pour leurs représailles. Si la CIA, déjà en délicatesse avec Wikileaks depuis la publication des documents sur Guantanamo, dénonce fortement cette publication de documents top secret, c’est cette fois-ci au tour des ONG de s’insurger contre la mise en danger des informateurs locaux. RSF parle même d’« incroyable irresponsabilité ».
Wikileaks est finalement un animal hybride à la fois dans le monde du journalisme mais également sur Internet. Présenté à l’origine comme une nouvelle forme de journalisme citoyen, Wikileaks en a oublié le travail éditorial d’organisation de l’information : que faire de 92 000 pages à l’état brut ? Wikileaks semble désormais se concentrer sur un rôle de fournisseur d’information à l’usage des rédactions traditionnelles, qui elles ont les moyens non seulement de traiter la masse des documents mis en ligne mais également de diffuser efficacement l’information.
Le site n’est pas non plus véritablement communautaire. Certes sa matière première (les fuites) vient de la communauté, mais son rôle s’arrête aujourd’hui là. Si à son origine Wikileaks était construit sur le modèle de Wikipédia, les articles ne peuvent désormais plus être commentés et encore moins modifiés, offrant paradoxalement moins d’interaction communautaire que la plupart des sites d’information en ligne.
Enfin, si Wikileaks se veut le chantre de la transparence, force est de constater qu’il ne souhaite pas s’appliquer le même régime : qu’il s’agisse de la composition de l’équipe de fondateurs (seul Assange est connu ; la page sur l’advisory board n’est pas accessible depuis la home du site…), ou des modalités de financement (Wikileaks dispose d’un système de fondations à plusieurs étages dans les différents pays européens), le fonctionnement de Wikileaks est on ne peut plus opaque, au point qu’un site, Wikileakileaks a été créé, pour compiler les fuites sur l’organisation de Wikileaks. »
Extrait « E-Réputation : Stratégies d’Influence sur Internet » – (Présentation détaillée de l’ouvrage / Amazon)
Copyright 2011 – éditions Ellipses
2 Responses to “L’ovni Wikileaks”
Toutes les politiques et les journalistes crient au scandale à propos de wikileaks, mais c’est la preuve que la vérité peut être dévoilée sans qu’elle soit soumise à une quelconque pression financière ou politique.
Peux on vivre dans un monde sans secret?
J’en doute.
Un état hésitera désormais à collecter des informations auprès fonctionnaires,militaires,négociateurs,diplomates etc, ceci de manière systématique, comme jusqu’à présent, de peur de voir étaler celles si sur la place publique. Ne remontrons à la tète des gouvernements , que les informations dument sélectionnés.
Faut’il collecter un maximum d’informations sous le sceau du secret d’état, ou n’avoir qu’une information parcellaire?
Qu’ en sera t’il des relations diplomatiques ou chacun sait qu’il y à un discours on et un autre off. Exit donc le discours off, celui la même qui permet à des état rivaux comme l’Égypte et Israël de rester en paix, par exemple.